Corresponding author: Yaya Ballayira, West Africa Field Epidemiology Training Program, Ouagadougou, Burkina Faso
Received: 09 Sep 2020 - Accepted: 06 Sep 2021 - Published: 14 Sep 2021
Domain: Epidemiology
Keywords: Investigation, coqueluche, Mali
This articles is published as part of the supplement Improving surveillance systems and responding to outbreaks and health events through the West Africa FETP, 2020, commissioned by
This Supplement was funded by the US Centers for Disease Control and Prevention (CDC) through the African Field Epidemiology Network (AFENET).
.©Yaya Ballayira et al. Journal of Interventional Epidemiology and Public Health (ISSN: 2664-2824). This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution International 4.0 License (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original work is properly cited.
Cite this article: Yaya Ballayira et al. Investigation d’une épidémie de coqueluche à Dialakon, Mali, 2016. Journal of Interventional Epidemiology and Public Health. 2021;4(3):6. [doi: 10.11604/JIEPH.supp.2021.4.3.1092]
Available online at: https://www.afenet-journal.net/content/series/4/3/6/full
Investigation d´une épidémie de coqueluche à Dialakon, Mali, 2016
Investigation of a pertussis outbreak in Dialakon, Mali, 2016
Yaya Ballayira1,&, Hanine Keita1, Yacouba Koné1, Djibril Barry1, Oumar Sangho2,3, Bernard Sawadogo1,4, Simon Antara4
1West Africa Field Epidemiology Training Program, Ouagadougou, Burkina Faso, 2DER des Sciences Biologiques et Médicales, FAPH/USTTB, Bamako, Mali, 3Département d'Enseignement et de Recherche en Santé Publique, FMOS/USTTB, Bamako, Mali, 4African Field Epidemiology Network (AFENET)
&Auteur correspondant
Yaya Ballayira, West Africa Field Epidemiology Training Program, Ouagadougou, Burkina Faso. ballayira@gmail.com
Introduction: De janvier 2008 à juin 2016, le Mali n'a notifié aucun cas de coqueluche. En juillet 2016, Bafoulabé a signalé 38 cas suspects de coqueluche dans le village de Djombomadji à Dialakon. L’objectif était de décrire cette épidémie en temps, lieu et personne.
Méthodes: Nous avons mené une étude transversale descriptive à Dialakon de mars à août 2016. Un cas suspect de coqueluche était toute personne présentant une toux paroxystique avec ou sans vomissements, fièvre, dyspnée ou éternuement. Nous avons effectué une recherche active de cas. Les données ont été collectées à l’aide d’un questionnaire et analysées en temps, lieu et personne.
Résultats: Au total, 112 cas suspects de coqueluche enregistrés sur 7238 habitants (taux d'attaque : 16/1000) avec zéro décès. L'âge médian était de 4 ans, étendu de 3 mois-13 ans, 52% étaient de sexe féminin. Parmi les cas, 4% étaient complètement vaccinés contre la coqueluche. Tous les cas provenaient du village de Djombomadji. L'épidémie avait commencé le 10 mars, avec 2 pics le 16 mai et le 16 juin 2016 qui avaient respectivement 20 et 16 cas. Le nombre de cas a ensuite progressivement diminué jusqu'au 26 juillet 2016 quand les 2 derniers cas ont été enregistrés.
Conclusion: L'épidémie a duré 5 mois, la majorité des cas ont eu lieu le 16 mai 2016, étaient du sexe féminin, n'étaient pas vaccinés et provenaient du village de Djombomadji. Tous les cas ont été traités, les enfants non malades ont été vaccinés et la population a été sensibilisée.
Introduction: From January 2008 to June 2016, Mali reported no cases of pertussis. In July 2016, Bafoulabé reported 38 suspected cases of pertussis in the village of Djombomadji in Dialakon. The objective this investigation was to describe this outbreak in time, place and person. Methods: We conducted a descriptive cross-sectional study in Dialakon from March to August 2016. A suspected case of pertussis was any person presenting paroxysmal cough with or without vomiting, fever, dyspnoea or sneezing. We conducted an active case search. Data were collected using a questionnaire and analysed for time, place and person. Results: A total of 112 suspected cases of pertussis were recorded out of 7238 inhabitants (attack rate: 16/1000) with zero deaths. The median age was 4 years, range 3 months-13 years, 52% were female. Of the cases, 4% were fully vaccinated against pertussis. All cases were from the village of Djombomadji. The epidemic started on 10 March, with two peaks on 16 May and 16 June 2016, with 20 and 16 cases respectively. The number of cases then gradually decreased until 26 July 2016 when the last 2 cases were recorded. Conclusions: The epidemic lasted 5 months, the majority of cases occurred on 16 May 2016, (they)were female, unvaccinated and from Djombomadji village. All cases were treated, unvaccinated children were vaccinated and the population was sensitised.
Key words: Investigation, pertussis, Mali
La coqueluche est une infection respiratoire bactérienne, strictement humaine, due à Bordetella pertussis [1]. Elle est très contagieuse et peut se propager rapidement d'une personne à l'autre par contact avec des gouttelettes en suspension dans l'air [2].
Selon l'organisation mondiale de la santé (OMS), la coqueluche touche 60 millions de personnes et cause plus de 300 000 décès par an dans le monde en particulier dans les pays en développement. La prévention de la coqueluche repose sur l´administration du vaccin anticoquelucheux qui existe sous forme de vaccin à germes entiers (Ce) ou acellulaire (Ca). L´immunité conférée par ce vaccin diminue avec le temps. Les enfants non vaccinés sont les plus à risque de développer la coqueluche. Les formes graves et les décès surviennent surtout chez les nourrissons de moins de 6 mois non immunisés [1].
Les signes cliniques sont souvent peu spécifiques, posant de fréquents problèmes de diagnostic. Cependant, devant un des symptômes suivants : toux spasmodique, sifflement respiratoire (chant du coq), vomissements après les quintes, sans autre cause apparente, le diagnostic clinique de coqueluche doit être suspecté. Le diagnostic biologique (culture ou RT-PCR) n´est souvent pas réalisable dans les pays en développement [1]. Le traitement curatif de la coqueluche repose sur l'antibiothérapie à base de macrolides. Ils n´ont pas d'effet sur le pronostic de la maladie une fois déclarée, mais peuvent réduire sa durée d'évolution. Le traitement de référence est l'érythromycine [1]. L'isolement des malades, le traitement des contacts avec des macrolides pendant 5 jours ainsi que l'enquête autour du cas index complètent les mesures de prévention [1]. Au Mali, la coqueluche est une maladie cible du programme élargi de vaccination, sous surveillance, dont la déclaration est obligatoire [3]. Les derniers cas ont été notifiés en 2008. Le vaccin anticoquelucheux est combiné à ceux de la diphtérie, du tétanos, de l´Haemophilus influenzae B et de l´hépatite B sous le nom de « Penta » et est administré aux 6ème, 10ème et 14ème semaines de vie [3]. Suite à la notification de 38 cas suspects de coqueluche à Djombomadji par le district de Bafoulabé, cette investigation a été réalisée. Son objectif était de décrire les cas suspects de coqueluche en personne, temps et lieu.
Cadre et population de l´investigation
Dialakon est situé dans la commune rurale de Oualia. C´est une aire de santé du district sanitaire de Bafoulabé dans la région de Kayes, à l´ouest du Mali. Il comptait 7238 habitants en 2016. Dialakon est constitué de 9 villages dont celui de Djombomadji qui a enregistré les cas notifiés de coqueluche. Dialakon, est très difficile d´accès en période hivernale en raison du fleuve Bakoye qui le sépare du reste de Bafoulabé et de l´état impraticable de la route qui y mène. Seules peuvent s´y rendre les motocyclistes après une traversée difficile du fleuve à bord de pirogues traditionnelles.
Situé à 100 kilomètres du centre de santé de référence de Bafoulabé et à 24 km du chef-lieu de Oualia, Dialakon est dépourvu de structures de santé. Il est irrégulièrement desservi par le centre de santé communautaire de Oualia en stratégie avancée de vaccination et par l´équipe mobile du district de Bafoulabé. Les registres servant de vaccination à Dialakon sont archivés au niveau du centre de santé de Oualia. De 2011 à 2015, les couvertures vaccinales annuelles en vaccin anticoquelucheux y étaient de 18%, 26%,73%, 77%,39% respectivement.
Type et période d´étude
Nous avons conduit une étude transversale descriptive. L´investigation a concerné la population résidant à Dialakon de mars à août 2016. Elle s´est déroulée du 13 au 17 juillet 2016.
Définitions opératoires: pour la collecte des données les définitions suivantes ont été utilisées.
Cas suspect de coqueluche
Toute personne, présentant ou ayant présenté une notion de toux quinteuse d´au moins 14 jours, associée ou non à des vomissements, fièvre, dyspnée ou éternuements et habitant Dialakon pendant la période de mars à août 2016.
Dans notre étude il n´y a pas eu de confirmation biologique de cas de coqueluche eu égard à l´absence d´examen biologique. Tous les cas ont été confirmés sur la base d´un faisceau d´arguments cliniques d´où l´appellation de cas suspect.
Cas suspect de coqueluche vacciné
Tout cas suspect de coqueluche ayant reçu les trois doses du vaccin anticoquelucheux et dans les délais requis (6ème, 10ème et 14ème semaine).
Cas suspect de coqueluche non vacciné
Tout cas suspect de coqueluche n´ayant reçu aucune dose du vaccin anticoquelucheux.
Cas suspect de coqueluche incomplètement vacciné
Tout cas suspect de coqueluche ayant reçu une ou deux doses du vaccin anticoquelucheux et n´ayant pas complété la vaccination comme indiquée.
Collecte des données
Les données des 38 premiers cas notifiés ont été extraites du rapport d´investigation du district sanitaire de Bafoulabé. Puis ces cas déjà notifiés et d´autres cas supplémentaires ont été activement recherchés dans la communauté par le porte-à-porte à Dialakon, et dans les registres de consultation du centre de santé de Oualia. Tous les ménages ont été visités. Ensuite les parents d´enfants ont été interviewés à l´aide d'un questionnaire structuré qui comportait des sections sur les informations sociodémographiques (âge, sexe, village de provenance et domicile), cliniques (signes, date d´apparition des signes, traitement reçu et évolution) et sur le facteur d´exposition (statut vaccinal) et les enfants ont été examinés. Enfin les cartes de vaccination et les registres de vaccination archivés, ont été passés en revue. Les données collectées nous ont permis de dresser la liste linéaire des cas.
Analyses statistiques
Les données ont été analysées à l´aide d´Epi Info 7 et Excel 2013. Les médianes ont été calculées pour les variables quantitatives, et les fréquences et proportions pour les variables qualitatives.
Considérations éthiques
Cette investigation s´est inscrite dans le cadre normal de lutte contre les maladies à potentiel épidémique au Mali, qui sont à déclaration obligatoire (Loi no 98-036 du 20 juillet 1998). Elle a été autorisée par les autorités sanitaires. L´anonymat des patients a été assuré. Les cas de coqueluche ont été traités gratuitement avec les médicaments appropriés et les enfants non/incomplètement vaccinés ont été vaccinés.
Description générale
Au total, 112 cas suspects de coqueluche ont été recensés dont 38 cas notifiés (34%) et 74 cas détectés lors de l´investigation (66%). Le taux d´attaque était de 16 pour 1000 habitants. Tous les cas avaient reçu des décoctions traditionnelles. Aucun décès n´a été enregistré Tableau 1.
Description du premier cas
Il s´agissait d´une fille de 8 ans, non vaccinée contre la coqueluche, résidente habituelle de Djombomadji. La symptomatologie remontait au 10 mars 2016, faite d´une toux quinteuse s´aggravant la nuit, s´arrêtant suite à des vomissements, de fièvre, de dyspnée, de rhinorrhée et d´éternuements. Devant cette toux un traitement à base de décoction traditionnelle a été instauré. Malgré ce traitement la toux a évolué pendant 2 à 3 semaines pour s´atténuer progressivement en fin mai où elle a disparu complètement.
Description des cas en temps, lieu et personne
Le 1er cas est apparu le 10 mars 2016. Puis par intermittence les cas sont apparus jusqu´au 16 mai 2016 quand le pic de l´épidémie a été atteint avec 20 cas. Ensuite l´apparition intermittente s´est poursuivie jusqu´au 26 juillet 2016 quand les 2 derniers cas ont été enregistrés Figure 1. Tous les 112 cas étaient du village de Djombomadi à Dialakon. Le sexe féminin a représenté 58 cas, soit 52%. L´âge médian était de 4 ans et l´étendue de 3 mois à 13 ans, et 49 cas étaient dans la tranche d´âge de 5-14 ans, soit 44%. La majorité des cas, soit 60%, n´étaient pas vaccinés contre la coqueluche et 37% étaient incomplètement vaccinés. Tous les cas ont présenté une toux quinteuse. Les vomissements et la fièvre ont été signalés chez 55% et 45% des cas respectivement Tableau 1.
Cette investigation nous a permis de conclure à une épidémie de coqueluche à Dialakon sur une base clinique sans confirmation biologique. La propagation et la longue durée de l´épidémie (de mars à juillet 2016) s´expliquent par plusieurs facteurs. Premièrement, la majorité (97%) des cas, étaient non ou incomplètement vaccinés. Deuxièmement, Dialakon n´abritait pas de structures de santé pour riposter. En outre, l´information n´est remontée aux autorités sanitaires que quatre mois après l´apparition du premier cas. Et enfin le traitement approprié n´a été instauré que des mois après le début de l´épidémie (en juillet). Des études ont fait les mêmes constats. Dans une revue systématique portant sur 8 épidémies, 59% à 93% des personnes étaient non vaccinées [4]. Comme Dialakon, Kebele en Ethiopie n´abritait aucune structure de santé et a connu une épidémie de coqueluche [5].
Des études observationnelles ont suggéré que les personnes sous-immunisées pouvaient être le point de départ d'épidémies de rougeole ou de coqueluche qui peuvent être évitées par la vaccination [6]. Nos résultats sont similaires à ceux de la revue systématique, et ceux de Tunisie et Algérie qui rapportaient respectivement 69% et 77.6% des cas non vaccinés [4,7,8]. La vaccination correctement mise en œuvre était associée à la protection contre la coqueluche en Éthiopie [5]. Cependant des épidémies sont survenues dans des pays où la couverture vaccinale était bonne [2,7,9-11]. Ce qui pourrait s´expliquer par l´infléchissement de l´immunité au cours des années ou la non acquisition de l´immunité chez les nouveaux nés et les nourrissons n´ayant pas encore reçu les doses recommandées [1,7,12]. Dans notre étude, les jeunes enfants étaient les plus touchés par cette épidémie et la majorité était de sexe féminin. Ceci est conforté par l´étude menée en Éthiopie où l´âge médian était de 3 ans avec un étendu de 3 mois à 45 ans et le sexe féminin était prédominant à 54% [5]. Notre premier cas n´avait aucun lien avec une zone d´épidémie. La question de savoir comment elle s´était infectée reste posée, cependant en Algérie la plupart des contacts positifs étaient des mères âgées de 20 à 40 ans, qui ont été considérées comme la source de transmission de la maladie aux enfants [8]. Dans notre étude il n´y a pas eu de dépistage de contacts adultes eu égard à l´absence d´examen biologique pour diagnostiquer la coqueluche. Tous les patients dans notre étude avaient présenté une toux comme en Tunisie [7].
Nous reconnaissons certaines limites à notre étude. En effet, il n´y a pas eu de confirmation biologique des cas de coqueluche à cause de l´absence d´examen biologique. Tous les cas ont été diagnostiqués cliniquement. Ce qui pourrait sous-estimer ou surestimer le nombre de cas. Aussi nous n´avons recensé aucun cas parmi les adultes. Ces derniers qui pouvaient être la source de l´épidémie présentent souvent les formes frustes qui ne sont diagnostiquées que par la biologie [8]. Les dates d´apparition pour les cas survenus avant notre investigation pourraient ne pas être précises ce qui contribuerait à modifier l´allure de la courbe épidémique.
L’épidémie a commencé le 10 mars 2016, a atteint son pic le 16 mai 2016 et pris fin le 26 juillet 2016. Tous les cas étaient de Djombomadji, Dialakon. La majorité des cas avaient un âge compris entre 5 et 14 ans et étaient non vaccinés. Les cas ont été traités avec de l’érythromycine. Les enfants non malades ont été vaccinés. Les parents d’enfants, les relais et les leaders communautaires, politiques et sanitaires, ont été sensibilisés sur l’importance de la vaccination. Cette épidémie aurait pu être évitée et/ou rapidement contenue si les enfants étaient vaccinés, si Dialakon possédait des structures de santé et si le bon traitement avait été instauré dès les premiers cas.
Etat des connaissances actuelle sur le sujet
Contribution de notre étude à la connaissance
Les auteurs déclarent n'avoir aucun conflit d'intérêts.
Yaya Ballayira, Hanine Keita, Yacouba Koné et Djibril Barry: rédaction du protocole, collecte des données, analyse et interprétation des données, rédaction du manuscrit. Oumar Sangho, Bernard Sawadogo et Simon Antara ont contribué à la correction du protocole, l’analyse des données et la rédaction du manuscrit.
Nous remercions le staff du WAFETP, les autorités sanitaires du Mali et le personnel de santé de Bafoulabé pour avoir facilité cette investigation.
Tableau 1: Caractéristiques des cas de coqueluche, Dialakon, mars-août 2016
Figure 1: Courbe épidémique des cas de coqueluche, Dialakon, Mars-Août 2016
Investigation
Coqueluche
Mali
The Journal of Interventional Epidemiology and Public Health (ISSN: 2664-2824). The contents of this journal is intended exclusively for public health professionals and allied disciplines.